samedi 19 septembre 2009

Moustique

Ou comment l'apprentissage d'une langue étrangère me donne de envies de fiction bilingue...

Le véritable nom du moustique est culicidae. Celui qui me harcèle de ses bourdonnements sourds et discontinus est peut-être même un aedes albopictus, couramment nommé moustique-tigre, la pire espèce vivant sous nos climats. Dans ce cas, la piqûre sera douloureuse et gênante et il y a un risque de transmission du chikungunya. Mais je crois qu'il n'a pas encore été aperçu dans les Pyrènes.

Ma voisine tousse légèrement. J'écoute sa respiration depuis un moment maintenant et je sais qu'elle non plus ne dors pas. Je le devine au rythme de ses inspirations et au petit bruit de tissu froissé venant de son sac de couchage qui indique qu'elle balance son pied droit, un tic qu'elle a souvent. Dès qu'elle est assise ou couchée, dès que le poids de son joli corps n'appuie plus dessus, elle balance en arrière son adorable pied et le mouvement fait ressortir une petite veine qui court sous la peau dorée de sa cheville fine. En me concentrant j'arrive même à discerner le cliquetis de la fermeture éclair. Comment dit-on fermeture éclair en espagnol, déjà? Je ne me rappelle plus, je sais que ça ressemble à un autre mot français... Fermeture éclair... Fermeture à glissière...gouttière... crémaillère... "cremallera"! Una cremallera ! Una cremallera que querria lentamente bajar para descubrir su cuerpo como un regalo fuera de su embalaje...

Avec l'énergie du désespoir, je tente de toutes me forces de me concentrer sur le plafond. Peut-on réellement parler de plafond dans une tente? Sur la toile constituant le toit de la tente. Mais la circonvolution me déplait. Si autant de mots sont nécessaires pour éviter une éventuelle faute de terme, ne vaut-il pas mieux commettre une inexactitude?

Je l'entends se retourner et je retiens ma respiration. Son bras frôle désormais le mien, le dos de sa main touche le dos de ma main et ce contact, presque immatériel à force d'être éthéré, déclenche en moi une vague de chaleur moite qui me traverse brusquement. Je voudrais pouvoir bouger mais je reste paralysée, fascinée par ce contact, aussi léger soit il, comme un lapin pris dans les phares dune voiture. Est-ce voulu? Est-ce une avance ou un hasard? J'appuie mon index contre sa peau, tout doucement, assez subtilement pour que ça ne soit pas ouvertement un contact, mais plutôt une velléité de contact. Je sens ses doigts caresser les miens, très lentement. Alors que mon esprit a d'ores et déjà démissionné et que mes neurones ont fuit à grands pas, ma main semble répondre d'elle-même. Mes doigts remontent le long de son poignet et comptent un, deux, trois bracelets de corde, parcourent son avant-bras, escaladent son coude, parviennent sur son bras, suivent le chemin de peau satinée jusqu'à son épaule pour venir se fixer en conque derrière son oreille. Je la regarde du mieux que me le permettent mes pupilles myopes et la pénombre. De près, elle est encore plus jolie.

Elle me sourie -je manque de passer à l'état liquide- et me dit:

-"Por fin, te decides?
- Tengo ganas de besarte.
- Tengo ganas de ti."

A ce moment précis, mon clitoris a migré dans ma gorge t n'a pas l'air de vouloir en redescendre. Je ne peux rien répondre, à part peut-être "zwurkd" et dans ce cas, mieux vaut se taire.

Elle m'embrasse.
Et tout à coup cette saloperie vampire de culicidae me parait beaucoup moins important.