mercredi 5 mars 2008

Enfin...

Mon dernier message remonte à plusieurs semaines maintenant et mes fidèles lecteurs pourraient me le reprocher si seulement... j'en avais. Bon, ne soyons pas cynique, je débute et en plus je ne suis pas très régulière dans mes "envois"(comment dire, envoi, mise en place, dépôt, affichage... je ne suis guère familiarisée avec le vocabulaire bloguesque) de message.
Mais j'ai finalement réussi à dégager un créneau dans mon emploi du temps quasi ministériel (ceux qui me connaissent riront à gorge déployée et tant pis pour les autres!) pour la rédaction du petit texte suivant. Evidement, je devais travailler, ma directrice de mémoire m'ayant menacée de séquestration si je ne lui fournissais pas vingt pages pour vendredi, juste vingt pages, en gage de bonne volonté!
Ma volonté est on-ne-peux-plus mauvaise, mais elle l'ignore encore.

Quoi qu'il en soit, voici ma dernière production, au ton un peu moins léger que les précedents, mais on ne badine pas avec certaines choses.


Je n’aime pas mon bébé.

Il m’a fallu longtemps, pour arriver à comprendre de quoi il s’agissait. Ou plutôt il m’a fallu longtemps, pour arriver à admettre cela. La petite hurle dans sa chambre, comme presque tout le temps et ses cris filtrent par la porte fermée malgré mes boules Quies. Pourtant elle vient de manger, j’ai vérifié qu’elle était propre et sa veilleuse lui chante « frère Jacques » avec conviction. Mais rien n’y fait, elle brame avec une application méthodique. A la longue j’en viens à me demander si ce n’est pas uniquement pour m’emmerder.

Pourquoi ai-je voulu cet enfant ? je ne sais plus. Je ne cherchais pas à tomber enceinte, ça été une surprise. Mais je me demande pourquoi je l’ai gardé. Peut-être que c’est l’avortement qui m’a fait peur, un reste d’éducation catholique ou la peur de tuer dans l’œuf un hypothétique Einstein ou Mozart. Je n’avais aucune vraie raison de garder cet enfant, pas de vrai désir non plus. Ou alors je l’ai oublié. Peut-être étais-ce juste parce que j’ai dépassé les trente ans et que ca me semblait le moment. Je ne sais plus, j’ai été sotte.

Il n’y a pas si longtemps j’étais une femme active et, je m’en rends compte maintenant, épanouie. J’avais un bon boulot, avec des collègues que j’appréciais et plein de possibilités. Et surtout j’étais parfaitement libre, libre de sortir le soir, d’aller me faire une toile directement en sortant du boulot, d’improviser un restaurant avec des copines ou de rentrer à pas d’heure, passablement éméchée. Désormais me voila enchaînée à cette gosse puisque je dois la nourrir toutes les trois heures.

Après mon accouchement, j’étais encore totalement groggy quand l’infirmière a débarqué pour que je nourrisse mon nourrisson vociférant. Je n’ai pas eu la force ou la volonté de résister et me voilà obligée d’allaiter au sein. Et c’est une horreur. J’avais dans la tête plein d’images d’Epinal de mère allaitant en souriant, une vague idée de fusion tendre et animale. Et bien c’est faux ! Totalement et désespérément faux, incroyablement naïf. La vérité c’est que mes seins me semblent peser une tonne, que mes mamelons sont crevassés et suintent en permanence, que c’est affreusement douloureux. Et surtout qu’il n’y a rien de tendre ou de magique, juste un acte alimentaire que j’effectue la plupart du temps en tombant de sommeil pendant que le petit vampire me pompe avec avidité.

En plus je ne sais jamais ce que je dois faire ou pas. Cette petite harpie hurle, comme si sa vie en dépendait et je n’arrive jamais à savoir si elle a faim, si elle est sale… alors je fais tout. Je vérifie la couche, lui propose le sein, tente de la bercer mais rien n’y fait, elle brame de toutes ses forces. En me regardant comme une incapable. Même si ça semble fou, j’ai l’impression qu’elle me déteste, qu’elle veut me rendre folle. Surtout quand quelqu’un la prend dans les bras et qu’elle cesse instantanément de pleurer alors qu’elle me hurlait dans les tympans depuis deux heures. Généralement la personne en question trouve que j’ai de la chance d’avoir une petite fille aussi mignonne. Il est évident que ce n’est pas eux qui doivent se lever toutes les deux heures la nuit, les nuits où elle consent à bien vouloir dormir entre ses tétées, du moins !

Je passe mes journées à dormir debout, à pleurnicher quand elle se met à hurler. La dernière fois, j’étais tellement fatiguée de ses cris incessants que je l’ai giflée. Pas bien fort, une seule fois, mais ça m’a échappé. Quand j’en ai parlé à ma mère elle m’a regardé comme si j’étais un monstre, une abomination de la nature. Elle m’a dit que j’avais eu de la chance de ne pas avoir une mère telle que je suis pour ma fille.

Je ne peux pas lui donner tort, je suis une mère lamentable. En fait je crois que je n’aurai pas dû avoir cette enfant. Ou alors j’aurais dû l’accoucher sous X, afin qu’elle puisse être adoptée par une famille convenable, avec une mère qui sera capable de s’occuper d’elle. J’aurai dû…

Je me rappelle, lorsque j’ai annoncé ma grossesse à mes collègues de bureau, que l’une d’elles m’a dit que ma vie ne sera plus jamais la même. Effectivement…

Mais j’aimais bien ma vie d’avant.